La Tenture des Indes, à la croisée des regards historiques et artistiques
30 Septembre 2021Journée d’étude
Jeudi 30 septembre 2021 de 10h à 17h
Grand Salon, Villa Médicis
La Tenture des Indes tissée par la Manufacture Royale des Gobelins fut envoyée en 1726 par ordre du roi Louis XV à l’Académie de France à Rome pour orner l’étage noble de son ancien siège situé au Palais Mancini sur la Via del Corso.
Bien que conçues comme un ambitieux « portrait » du territoire du Brésil, ancienne colonie hollandaise et portugaise, les huit pièces qui composent l’ensemble révèlent plutôt un exotisme au sens large en mêlant à la faune et à la flore d’Amérique du Sud des éléments et animaux provenant du continent africain (tels l’éléphant, le rhinocéros, le zèbre…), voire imaginaires.
Pour le tissage de la série des Indes, la Manufacture Royale des Gobelins utilisa des cartons qui furent offerts en 1679 en cadeau diplomatique au roi de France Louis XIV par le comte Jean-Maurice de Nassau-Siegen, gouverneur général des colonies hollandaises au Brésil. Ce dernier avait été à l’origine d’une grande expédition scientifique, chargée de relever de la façon la plus détaillée possible les paysages, les plantes, les animaux ainsi que la population du nord-est du Brésil (1637-1644). C’est à cette occasion que les deux peintres Albert Eckhout (1610-1665) et Frans Post (1612-1680) réalisent la plupart des peintures qui serviront de modèle aux cartons des tapisseries des Gobelins et dans lesquelles sont représentés à la fois les populations amérindiennes et les esclaves africains présents dans les colonies.
L’exubérance des éléments déployés, qui répond aux goûts esthétiques en vogue dans les cours européennes du XVIIe au XIXe siècle, n’est pas sans soulever plusieurs questionnements du point de vue des débats actuels autour des questions du racisme, de l’esclavage et du passé colonial des nations.
Tout en donnant une représentation inédite pour l’époque de la richesse botanique et zoologique de ces territoires, qui par un nouveau souci documentaire va à l’encontre des récits fantaisistes ou des anciennes images emblématiques, la Tenture des Indes célèbre une abondance entrecroisée déjà à des motifs évoquant l’exploitation coloniale (charrue, canne à sucre, moulin à eau, église…) qui se sert du labeur des esclaves africains.
L’Académie de France à Rome, attentive à ces sujets, encourage les débats et les approches artistiques et scientifiques qui proposent une analyse critique et historique de son patrimoine. Cette rencontre s’inscrit dans un programme de recherche plus vaste qui a cette ambition, celle de ré-envisager les « objets patrimoniaux » à l’aune de perspectives méthodologiques et épistémiques nouvelles, et au croisement des recherches et des approches concrètes développées par les artistes et résidents que nous accueillons.
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Programme :
10h : accueil par Sam Stourdzé, Francesca Alberti et Arthur Godard
10h15 – 11h15 : Cécile Fromont
Du Royaume du Kongo à la Villa Médicis et l’Italie (1492-1750)
11h30 – 12h30 : Samir Boumediene
Le tribut des Indes. Colonisation, arts et savoirs entre les Amériques et l’Italie (1492-1750)
14h00 – 14h45 : Sammy Baloji
K(C)ongo, Fragments of Interlaced Dialogues
et
Lucrezia Cippitelli
Classification Subversives
14h45 – 15h45 : Adila Bennedjai-Zou
Miguel
16h – 17h : table ronde avec les intervenants, modérée par Francesca Alberti et Arthur Godard, avec la participation de Diane Bodart
Informations et réservations :
Patrizia Celli – Département d’histoire de l’art
Académie de France à Rome – Villa Médicis
[+39] 06 67 61 245
[email protected]
PASS SANITAIRE
Pour accéder à la journée d’étude, conformément aux dispositions du décret du 23 juillet 2021, nous prions les participants de bien vouloir présenter leur pass sanitaire en cours de validité, accompagné d’une pièce d’identité.
Cécile Fromont
Cécile Fromont est professeure associée au département d’Histoire de l’art de l’université de Yale. Ses écrits et son enseignement portent sur la culture visuelle, matérielle et religieuse de l’Afrique et de l’Amérique latine, avec un accent particulier sur le début de la période moderne (vers 1500-1800), sur le monde atlantique lusophone et sur la traite esclavagiste. Son premier livre, The Art of Conversion: Christian Visual Culture in the Kingdom of Kongo a été publié en 2014. Il a été traduit en français par Les Presses du Réel en 2018. Elle est l’éditrice du volume Afro-Catholic Festivals in the Americas: Performance, Representation, and the Making of Black Atlantic Tradition (Penn State Press, 2019). Son prochain livre, Images on a Mission in Early Modern Kongo and Angola est à paraitre en 2022. Ses essais sur l’art africain et latino-américain ont été publiés, entre autres, dans le Journal of the American Academy of Religion, Art History, Colonial Latin American Review, African Arts, Anais do Museu Paulista, RES: Anthropology and Aesthetics ainsi que dans divers volumes édités et catalogues d’exposition.
Samir Boumediene
Né en Moselle en 1985, Samir Boumediene est historien des savoirs et des arts. Il est actuellement pensionnaire de l’Académie de France à Rome. Chargé de recherches à l’IHRIM et docteur de l’Université de Lorraine, il a auparavant été membre de la Casa de Velázquez (Madrid), post-doctorant à l’Institut Max-Planck pour l’histoire des sciences (Berlin) et chercheur à l’Université de Cambridge. Son travail doctoral, lauréat du Prix de thèse du Musée du Quai Branly, du Prix de thèse de l’Amades et du Prix Pictet de la Société d’histoire naturelle de Genève, a été publié en 2016 sous le titre La colonisation du savoir. Une histoire des plantes médicinales du Nouveau Monde (Vaulx-en-Velin, Les éditions des mondes à faire).
Sammy Baloji
Sammy Baloji est artiste plasiticien et photographe. Il explore depuis 2005 la mémoire et l’histoire de la République démocratique du Congo. Son œuvre prend autant la forme d’une recherche perpétuelle sur la question de l’héritage à la fois culturel, architectural et industriel de la région du Katanga, que celle d’un questionnement sur les conséquences de la colonisation belge. Son travail identifie à travers elles un processus de formation, transformation, perversion voire de réinvention des identités.
Figure majeure de la scène artistique africaine, Sammy Baloji a co-fondé en 2008 Picha, organisation à l’instigation de la Biennale de Lubumbashi. Il a été l’invité du Festival d’Automne à Paris et aux Beaux-Arts de Paris dans le cadre de la saison Africa 2020, pour y présenter sa toute première exposition personnelle au sein d’une institution parisienne.
Il présente pour cette journée d’étude le résultat des recherches qu’il a mené, en tant que pensionnaire à la Villa Médicis en 2019-2020, sur les échanges politiques, religieux et commerciaux attestés entre le Royaume du Congo, le Royaume du Portugal et le Vatican depuis le XVIe siècle.
Lucrezia Cippitelli
Lucrezia Cippitelli, enseignante, chercheuse, Docteur de Recherche en Histoire de l’art. Elle est actuellement professeure d’Esthétique à l’Académie des Beaux-Arts de Brera, à Milan et directrice artistique de Ateliers Picha, le programme de formation artistique de Picha, l’organisation fondatrice de la Biennale de Lubumbashi (République démocratique du Congo), dont elle est co-commissaire pour l’édition 2022. À côté de son activité de recherche en théorie des arts et des cultures visuelles en relation avec les théories postcoloniales, elle a développé des programmes internationaux d’éducation artistique radicale qui impliquent la culture DIY, la création collective et partagée, l’action artistique dans la société. Elle a été Visiting Scholar à la Cornell University en 2007 et 2009 et Associate Professor et MA coordinator à la Addis Ababa University (2014 – 2016).
Adila Bennedjai-Zou
Adila Bennedjaï-Zou est scénariste et documentariste. Son premier documentaire, Ralliés, sur les soldats qui ont trahi l’armée française pour rejoindre le Viet-Minh, reçoit le Prix du Festival du Film d’Histoire de Pessac. Ses films, inspirés du courant de la micro-histoire, portent sur des destins anonymes qui ont fait « la grande Histoire ». Également scénariste de fiction, elle reçoit le Prix Genève Europa du jeune scénariste pour le film Garçon Manqué. Dans ses créations sonores, elle marie l’autobiographie et une forme « d’auto-sociologie » pour raconter comment s’invente le présent. Ses séries documentaires Mes années Boum, PMA hors la loi et Heureuse comme une arabe en France mélangent récit à la première personne, archives et entretiens intimes. Elle a été pensionnaire à l’Académie de France à Rome en 2020-2021.