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A l’occasion du centenaire de la naissance de l’artiste Gastone Novelli, la Villa Medicis et l’Archivio Novelli ont le plaisir d’organiser cette rencontre sur l’influence de ses oeuvres sur les écrivains français de George Bataille à Claude Simon.
Ce dialogue rassemble plusieurs spécialistes italiens et français, Marco Rinaldi, Davide Crosara, Andrea Cortellessa, et Mireille Calle-Gruber, pour explorer les rapports entre image et écriture qu’ont développés ces rencontres franco-italiennes.
Dès la fin des années 1950, le peintre italien Gastone Novelli (1925 – 1968) tisse une relation étroite et complexe entre l’image et l’écriture, animant son monde poétique d’une construction continue d’univers linguistiques multiples. Si sa rencontre avec l’anthropologie structurale de Claude Lévi-Strauss a été décisive en ce sens, l’artiste s’était déjà rapproché de l’expérimentalisme linguistique en lien avec les cercles littéraires du surréalisme tardif et du Nouveau Roman français : Edouard Jaguer, Pierre Klossowski, Claude Simon. Georges Bataille et Samuel Beckett seront très proches de lui dans leur recherche commune et passionnée de nouvelles structures sémantiques et narratives, voyageurs solitaires dans les méandres du langage ; et de là naîtront de nombreuses collaborations pour la production des livres et œuvres graphiques que Novelli. Au-delà de simples ouvrages illustrés, Novelli cherche toujours à commenter et à réinterpréter avec ses images vives et colorées.
Jeudi 16 janvier de 18h00 à 20h00
Grand Salon de la Villa Médicis
Gratuit : réservation obligatoire
Langue : Italien
Gastone Novelli naît en 1925 à Vienne. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il participe à la Résistance, est arrêté, torturé et condamné à mort. Sa peine est commuée en prison à vie, et il est libéré à l’entrée des troupes alliées à Rome le 4 juin 1944.
En 1948, il effectue son premier voyage au Brésil, où il commence son activité artistique.
En 1955, il s’installe à Rome et s’intègre rapidement dans le milieu artistique de la ville grâce à son amitié avec Emilio Villa.
En 1957, il fait plusieurs voyages à Paris, où il rencontre Tristan Tzara, André Masson, Man Ray et Hans Arp. La même année, il fonde avec Achille Perilli la revue L’Esperienza Moderna, et la Galerie La Salita de Rome lui consacre une exposition personnelle.
À partir des années 1960, il fréquente Samuel Beckett, Georges Bataille, Pierre Klossowski, René de Solier et développe une amitié étroite avec Claude Simon, qui, dans l’un de ses derniers livres, Le Jardin des Plantes (1997), raconte l’intense affinité intellectuelle et créative qui les liait. Avec certains d’entre eux, Novelli entreprend de véritables collaborations : avec Beckett, il travaille sur un projet éditorial pour illustrer L’Image, resté inachevé ; en 1962, il réalise un livre unique pour Histoire de l’œil de Bataille ; en 1965, il illustre avec les planches du livre Das Bad der Diana le mythe de Diane et Actéon, analysé par Klossowski.
Il commence à collaborer avec les écrivains de la néo-avant-garde italienne, partageant avec eux une même tension vers l’expérimentation linguistique.
En 1964, il fonde avec Perilli, Alfredo Giuliani et Giorgio Manganelli la revue Grammatica. Il remporte le Prix Gollin à la Biennale de Venise, où il est invité avec une salle personnelle.
En 1966, il publie Viaggio in Grecia, véritable synthèse d’années de réflexions sur le langage et d’explorations dans des univers de signes allant de la psychologie profonde au mythe, jusqu’à son aboutissement final dans l’anthropologie et le structuralisme de Claude Lévi-Strauss.
En 1968, il est de nouveau invité à la Biennale de Venise avec une salle personnelle, mais en signe de protestation contre l’intervention de la police dans les Jardins, il refuse d’exposer ses œuvres et les retourne contre les murs. En octobre, il est à Milan, où il commence à enseigner à l’Académie des Beaux-Arts de Brera. Il meurt le 22 décembre des suites d’un effondrement post-opératoire.
Novelli a exposé dans les plus grands musées et institutions italiennes et internationales. Aujourd’hui, ses œuvres sont conservées au MoMA de New York, à la National Gallery de Washington, au MASP de São Paulo, au British Museum de Londres, à la Galerie nationale d’art moderne de Rome, au Musée du XXe siècle de Milan et à la Peggy Guggenheim Collection de Venise.
Mireille Calle-Gruber, écrivaine et professeure de littérature et d’esthétique à la Sorbonne Nouvelle, où elle dirige le Centre de recherches en études féminines et genres, est l’autrice d’une trentaine d’ouvrages. Son travail analyse le potentiel de réflexion critique de la littérature dans son rapport au langage, à la philosophie, aux arts, ainsi qu’aux mouvements littéraires du XXe siècle, notamment le Nouveau Roman. Elle travaille en particulier sur les œuvres de Michel Butor (dont elle a publié les Œuvres complètes en 12 volumes), Claude Ollier, Assia Djebar, Jacques Derrida (La Distance généreuse, 2009), Marguerite Duras (La Noblesse de la banalité, 2023), Peter Handke, Claude Simon (dont elle a écrit la biographie : Une vie à écrire, 2011 ; Être peintre, 2021).
Après avoir publié cinq romans, elle a coécrit avec Michel Butor un récit-scénario, Le Chevalier morose (2017). Elle est coéditrice du Dictionnaire Universel des Créatrices (éd. des femmes, 2013) et du Dictionnaire sauvage Pascal Quignard (2015). Un colloque a été consacré à ses œuvres : Mireille Calle-Gruber, l’amour du monde à l’abri du monde dans la littérature (dirigé par Sarah-Anaïs Crevier Goulet et al., 2015).
En 1997, elle a été élue à l’Académie des arts et des lettres de la Royal Society du Canada. Elle a reçu plusieurs distinctions, dont un doctorat honoris causa de l’Université Aristote de Thessalonique en 2022.
Récemment, elle a publié Réinventer les alphabets : Claude Simon, Gastone Novelli (2023) et a rédigé la préface de la traduction italienne du roman de Claude Simon, Le Jardin des Plantes (Rome, éd. Gremese, 2024).
Andrea Cortellessa est né à Rome en 1968. Il enseigne la littérature italienne contemporaine à l’université de Roma Tre. Il a été commissaire d’expositions et de textes (de Chirico, Manganelli, Pagliarani, Raboni, Rosselli, Zanzotto, Di Ruscio, Paolini et Parmiggiani, entre autres), a réalisé des émissions de radio et de télévision, ainsi que des représentations théâtrales et musicales. Parmi ses derniers ouvrages, citons Le notti chiare erano tutti un’alba. Antologia di poeti italiani nella Prima guerra mondiale (Bompiani 2018), Andrea Zanzotto. Il canto nella terra (Laterza 2021), Filologia fantastica. Hypothesis, Manganelli (Argolibri 2022), le volume à plusieurs voix Arbasino A-Z (Electa 2023) et Amelia Rosselli. Avec la hache dans le dos (Electa 2024). Il est l’un des fondateurs de « Antinomie. Scritture e immagini » ; il collabore avec « manifesto », « Corriere della Sera », « Sole 24 ore », « Giornale dell’Arte » et d’autres journaux.
Davide Crosara est chercheur en littérature anglaise à l’université ‘Sapienza’ de Rome.
Ses principaux domaines d’étude sont le théâtre moderne et contemporain, le romantisme et le post-humain.
Il a publié une monographie sur Beckett et le monodrame (Arachne, 2019), ainsi que des essais dans des volumes et des revues sur Daniel Defoe, Primo Levi, W.B. Yeats, James Joyce, Kae Tempest.
Il a récemment édité deux volumes sur Samuel Beckett : Samuel Beckett’s Italian Modernisms : Tradition, Texts, Performance (Routledge : 2024) et Samuel Beckett and the Arts.
Italian Negotiations (Anthem Press : 2024).
Son essai « J’ai eu l’image » figure également dans ce dernier volume. Samuel Beckett et Gastone Novelli.
Marco Rinaldi est professeur d’histoire de l’art contemporain et d’histoire du design à l’Académie des beaux-arts de Rome et conseiller scientifique des archives Gastone Novelli, un artiste dont il a dirigé le catalogue général de peintures et de sculptures avec Paola Bonani et Alessandra Tiddia.
Il a également assuré le commissariat des expositions de Novelli au Museo del Novecento de Milan en 2012 et à la Gallerie d’Italia di Intesa-Sanpaolo de Naples en 2013-2014. Il est l’auteur d’essais et de monographies sur la culture de l’art et du design du XXe siècle, dont les volumes La Casa Elettrica et Il Caleidoscopio. Temi e stile dell’allestimento in Italia dal razionalismo alla neoavanguardia (2003) et Strappare il mondo al caso. Communication esthétique et néo-avant-garde en Italie (1956-1964) (2008), et rédacteur en chef de la revue « Zeusi – Contemporary Languages of All Time ».