Nadir Moknèche

Nadir Moknèche

2023/2010
2023/2010

Nadir Moknèche
Période: 2010-2011
Profession:
Avant de vous raconter la suite de mon histoire, je vais me prendre une bière au Miami . » Ainsi parle Mme Aldjéria dans
Délice Paloma , le troisième long-métrage de Nadir Moknèche. Cinéaste portraitiste, il dévoile une galerie de personnages de la société algérienne d’aujourd’hui, après l’effondrement des illusions révolutionnaires, la chute du mur Berlin et le passage à l’économie de marché, après les années de guerre civile et de terrorisme. Il est né à Paris en 1965. Son père meurt trois ans plus tard d’un accident du travail provoquant le retour de sa mère avec ses deux fils à Alger, où elle devient standardiste à la poste. Nadir est en pension chez Les Frères des écoles chrétiennes. Il connaît l’apogée du régime de Boumediene, les nationalisations, la révolution agraire, les pénuries d’approvisionnement : «
aller chercher du lait et ne trouver que des bananes . » À 16 ans, il quitte sa famille pour revenir à Paris. Il retrouve l’hôtel meublé où il est né. «
L’air de Paris rend libre ! » Il débute son apprentissage de la vie, et découvre les facilités et les difficultés que l’on rencontre dans une grande capitale européenne quand on est un adolescent seul, provincial, et algérien. Après le baccalauréat et deux ans de droit, il change d’orientation et décide de suivre des cours d’art dramatique, entre autres à l’école du Théâtre national de Chaillot. Durant cette période d’apprentissage, il découvre le cinéma, achète une caméra super 8 et s’initie à l’image. En 1993 il s’installe à New York pour deux ans, s’inscrit en cours de réalisation de la New School for Social Research, où il tourne deux courts-métrages. De retour à Paris, il  dirige son premier long, tourné au Maroc,
Le Harem de Mme Osmane est une belle surprise : le film reste à l’affiche en France durant tout l’été 2000. Après avoir recréé Alger au Maroc, Nadir prend le risque de tourner dans les rues de sa ville. En cet hiver 2003, cela fait déjà dix ans de guerre civile et de terrorisme, plus de 200 000 morts, et les Algériens commencent à peine à relever la tête.
Viva Laldjérie s’échappe alors comme un cri pour révéler leur humanité, montrer leurs visages, dévoiler leurs corps, en particulier ceux des femmes. Et Alger, pratiquement sans représentation d’elle-même, s’exhibe aussi, montre les traces de guerre, le paysage vert, l’autoroute, les constructions inachevées, la cité olympique d’Oscar Niemeyer. Elle se révèle étrangement balkanique, loin de la carte postale. Quatre ans plus tard, Alger est devenue un peu romaine, estivale, magouilleuse. En 2007, c’est le moment des affaires et des privatisations. Comment vivre, s’en sortir dans un univers de combines, de bouts de ficelles, dans un pays de passe-droits ? Une mère maquerelle s’est rebaptisée
Aldjéria , parce qu’elle se croit bienfaitrice nationale, projette de racheter les Thermes de Caracalla. Ce rêve qui devait permettre à tout son clan de changer de vie et par la même occasion de se racheter une vertu, sera l’affaire de trop.
Délice Paloma devient le film de l’après-guerre qui finit de faire voler en éclats tous les mythes fédérateurs algériens : socialisme, panarabisme, nationalisme et même l’islamisme. Bizarrement, les scènes de sexe et de nus de
Viva Laldjérie n’ont pas été censurées en Algérie, sauf par quelques projectionnistes zélés.
Délice Paloma , lui, n’obtient pas de visa d’exploitation, le film devient
de facto interdit de sortie dans les salles algériennes. Il est maintenant probable que Nadir Moknèche ne puisse plus tourner de nouveau dans le pays. L’Algérie est sous l’état d’urgence depuis février 1992. «
Cela m’a naturellement fourni le prétexte que j’attendais, que je cherchais peut-être, pour m’intéresser à d’autres univers ; raconter une histoire française, et m’attaquer à des personnages masculins, parler de la société dans laquelle je vis depuis presque 30 ans. Un séjour à la Villa Médicis pourrait constituer une rupture fructueuse, et un nouveau départ . »

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