Résidence croisée Ateliers Médicis | La chorégraphe Bintou Dembélé
Bintou Dembélé est l’une des artistes majeures issues du mouvement Hip-hop en France. Depuis 2019, elle compte parmi les artistes associés aux Ateliers Médicis de Clichy-Montfermeil. Son séjour à la Villa Médicis en avril 2021 est le premier d’un nouveau programme de résidences croisées avec les Ateliers.
Le marronnage
Les travaux de Bintou Dembélé s’intèressent particulièrement au marronnage, ce « geste de résistance et de fugue de personnes déportées et mises en esclavage, pour retrouver la liberté et réinventer des sociétés nouvelles, se reconstruire une histoire, une culture à travers des savoirs ancestraux et des pratiques culturelles qui se repensent, redéfinissent en fonction du territoire de refuge : montagne, forêt, marais ou lagunes. »
Cette pratique, ou pensée, trouve sa genèse en Afrique et se développe dans les Caraïbes, les Antilles ainsi que dans les Amériques. Elle ressurgit et s’exprime également sous la forme de rites, comme les Léwoz, veillée mortuaire en Guadeloupe, de pratiques culturelles comme la capoeira du Brésil ou le Moringué dans l’Océan indien. À travers le marronnage, transposé dans notre siècle et notre société, il s’agit de reconstruire des formes d’identités personnelles et sociales hors d’un regard occidental qui invisibilise et contraint dans les marges.
« Pour ma part, ce sont les projets artistiques que j’ai menés depuis une quinzaine d’années, dans l’Ouest guyanais qui m’ont permis de comprendre la portée du marronnage, avec la communauté des bushinengués. Mes recherches consistent à mettre en lumière ce pan de l’Histoire occultée et mésestimée et de les faire résonner avec l’actualité. Mener ces recherches sur le marronnage et ses traductions culturelles actuelles, répond à une nécessité de relier ces savoirs, un socle avec cette richesse historique aux cultures de rue et de la marge comme les street dance ou les cultures noires. »
Résidence de recherche
À travers son travail de création, qui s’appuie sur la relation danse/musique/voix, Bintou Dembélé a poussé les murs, exploré de nouveaux univers en résonance avec des contextes sociaux et culturels. Elle accomplit ainsi des va et vient de l’underground à la boîte noire du théâtre, de la compétition (battle) à la création opératique. L’approche du médium image avec l’investissement de la scène numérique permet également à l’artiste de traverser de multiples espaces de représentations et d’adresse.
Aujourd’hui, elle inscrit également sa démarche dans le champ de l’art contemporain, un travail amorcé avec les artistes-photographes Denis Darzacq pour la série La Chute, Mary Rozzi pour la série FEARLESS, puis avec le Centre Pompidou-Metz avec la transposition sous forme d’installation performance de l’écriture chorégraphique tiré de l’opéra-ballet Les Indes galantes.
Pendant cette résidence à la Villa Médicis, l’artiste explore le passage de la scène à l’image et du plateau à la scène numérique, et pose les bases d’une nouvelle création à venir.
Biographie
Bintou Dembélé commence sa carrière en 1997, en intégrant des groupes tels qu’Aktuel Force, Ykanji – dont elle est cofondatrice –, le collectif Mouv’ du Théâtre Contemporain de la Danse à Paris ou encore la compagnie Käfig. En tant que danseuse et chorégraphe, elle collabore avec des artistes comme MC Solaar, Grand Corps Malade, Sophiatou Kossoko et Mohamed Bourouissa.
En 2002, elle crée « Rualité », structure qui portera la production de ses pièces : L’Assise (2004), LOL (2008), Mon appart’ en dit long (2010), Z.H. (2014), S/T/R/A/T/E/S – Quartet (2016), Le Syndrome de l’initié.e (2018), qui sont présentées en France et à travers le monde.
Elle développe des collaborations avec des universitaires comme Noémie N’Diaye, Maîtresse de conférences au département de littérature anglaise à l’Université de Chicago, Isabelle Launay, Professeure des universités au Département Danse de l’Université Paris VIII.
En 2017, Clément Cogitore fait appel à elle pour chorégraphier le film Les Indes galantes visible sur la plate-forme numérique 3e scène, en 2019 sera créé l’Opéra ballet à l’occasion des 350 ans de l’Opéra national de Paris et des 30 ans de l’Opéra Bastille.
En 2020, Bintou Dembélé fait partie des 10 artistes internationaux invités pour les 10 ans du Centre Pompidou-Metz où elle conçoit le film dansé -s/t/r/a/t/e/s-. L’Opéra de Lyon l’invite à créer un solo pour une danseuse du ballet pour le projet Danser encore, 30 danseurs, 30 solos.
Ressources
Entretien au Centre national de la danse, 2021
Reportage Arte sur Les Indes galantes : « La chorégraphe qui décolonise la danse », 2020
Article : « Decolonizing Art for Art’s Sake », The Markaz Review, 2021
Article : “Operatic whitewashing”, Parterre Box, 2020
Article : « Vogue Dancers Subvert a Baroque Spectacle at the Paris Opera », The New York Times, 2019
Résidence organisée par les Ateliers Médicis et l’Académie de France à Rome – Villa Médicis.
La résidence de Bintou Dembélé a été co-financée par :
Image de couverture © Cyrille Choupas