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Réaménagement des espaces historiques
Comment faire de la Villa Médicis un espace ouvert aux savoir-faire contemporains tout en préservant l’histoire et l’esprit du lieu ? Déjà en 1833, Horace Vernet réalise une intervention audacieuse en créant la « chambre turque », reflet d’une époque fascinée par un Orient imaginaire. Au XXe siècle, Balthus le premier relève le défi de la contemporanéité dans les années 1960, suivi par Richard Peduzzi au début des années 2000. Un nouveau chapitre s’est ouvert en 2022 avec Réenchanter la Villa Médicis, vaste campagne de réaménagement faisant rayonner le design contemporain, les métiers d’art et le patrimoine restauré à la Villa Médicis.
En 3 ans, 18 chambres et salons et 2 jardins ont été réaménagés.
Avec son tracé triangulaire, l’ancien jardin secret de Ferdinand de Médicis a connu plusieurs aménagements depuis sa création, dont l’un à l’initiative de Balthus, directeur de l’Académie de 1961 à 1977, qui y introduit des citronniers. Bas Smets, architecte de Paysages, en collaboration avec Pierre-Antoine Gatier, architecte en chef des monuments historiques, proposent aujourd’hui une nouvelle intervention pour réenchanter, dans un esprit contemporain, ce jardin d’agrément. De nouveaux citronniers sont plantés en pleine terre et d’autres arbres en pots sont disposés dans le jardin, tandis qu’une pergola de citronniers Lunario – variété produisant des fruits toute l’année – est créée. Longue de 26 mètres, la pergola se déploie le long du belvédère surplombant Rome, la ligne d’horizon devenant partie intégrante du jardin.
Invité par la Villa Médicis, le duo de designers Muller Van Severen conçoit la ligne de mobilier d’extérieur Cosimo de’ Medici, qui intègre le jardin. Éditée par Tectona, cette nouvelle ligne rend hommage au Grand-duc de Toscane Cosme Ier, père de Ferdinand, qui, au XVIe siècle, avait constitué une collection d’agrumes rares à Florence et transmis sa passion à son fils. La ligne Cosimo de’ Medici, aux motifs triangulaires, fait à la fois écho à la géométrie du jardin et aux éléments architecturaux de la Villa Médicis. La palette de couleurs composée de vert clair, bleu foncé et blanc renforce l’harmonie au sein de ce jardin d’agrumes, offrant un contraste subtil avec l’environnement naturel.
Face à la loggia de la Villa Médicis se déploie le piazzale qui s’étend jusqu’au parterre bordant le mur d’Aurélien, marquant la limite nord-est des jardins. Subdivisé en 6 compartiments au dessin géométrique, le parterre offre un point de vue privilégié sur la façade de la Villa Médicis ornée de bas-reliefs antiques issus de la collection de Ferdinand de Médicis. À l’Est, il s’ouvre sur la Galerie du bosco ornée de bas-reliefs (spolia) incrustés à l’initiative de Jean-Auguste-Dominique Ingres. Cette galerie se termine par la loggia Balthus qui abritait l’atelier du peintre-directeur et qui, avant lui, a inspiré à Diego Velázquez le tableau Entrata nella grotta nel giardino di Villa Medici a Roma (1650, Musée du Prado, Madrid). Au XVIe siècle, le parterre est la partie la plus ornementale du jardin Renaissance, faite pour être contemplée depuis les fenêtres de la Villa Médicis : on y trouve alors des broderies des végétaux les plus rares et les plus à la mode, finement dessinés et taillés. Ferdinand de Médicis y fait installer en 1583 un obélisque en granit rose de plus de 6 mètres, à l’époque le seul obélisque égyptien à figurer dans un jardin privé romain.
Dans les années 1960, Balthus fait réaménager le parterre en privilégiant un ordonnancement épuré constitué de haies de buis et de gazon. Il fait réaliser une copie de l’obélisque et des statues qui ornaient les jardins jusqu’au XVIIIe siècle. Dans les années 2000, Richard Peduzzi dessine les motifs géométriques qui sont depuis devenus une signature des jardins et qui ont inspiré India Mahdavi en 2023 pour la conception du tapis monumental de la chambre des Muses.
En dialogue avec les scénographies imaginées par Balthus et Richard Peduzzi, le parterre s’enrichit aujourd’hui d’une nouvelle intervention qui associe art des jardins et arts décoratifs, savoir-faire et création contemporaine. Autour de l’obélisque se déploie un ensemble de vingt citronniers présentant un éventail de variétés anciennes, spécialement sélectionnées pour la Villa Médicis par le pépiniériste et agrumiculteur Oscar Tintori (Castellare di Pescia, Toscane). Dans un équilibre des contrastes entre verticalité et surfaces, le nouvel aménagement renoue avec la tradition des jardins d’agrumes toscans.
À partir du XVIe siècle les jardins des Médicis ont accueilli l’une des principales collections d’agrumes en Europe. À Rome, leur introduction dans le jardin de la Villa Médicis est documentée à partir de 1579 et apparaît étroitement liée à la création d’une longue allée traversant le domaine, le Viale Lungo. Dès lors, les cultures ornementales d’agrumes évoluent et se déploient sous trois formes principales : la culture en espalier que l’on retrouve sur les deux murs du Viale Lungo (aujourd’hui l’allée des orangers), la culture en pleine terre qui concerne les bigaradiers plantés dans l’un des carrés du jardin et la culture en pot.
C’est cette dernière culture qui prévaut pour l’implantation des vingt citronniers dans le jardin des parterres, conformément à la tradition toscane qui privilégie des arbres avec une forme « libre » où l’intérieur de la plante est élagué pour faciliter la pénétration de la lumière.
Les pots en terre cuite qui accueillent les nouveaux citronniers ont été réalisés par l’atelier Pesci Giorgio & Figli avec la fameuse terre d’Impruneta, particulièrement adaptée à la confection de pièces pour jardin grâce à ses propriétés non-gélives (résistance au gel). L’artisanat d’Impruneta, au sud de Florence, est l’un des savoir-faire d’excellence dont la tradition remonte au Moyen Âge.
L’ornementation des pots est une création originale de Natsuko Uchino, artiste céramiste japonaise établie en France. La série qu’elle a créée pour la Villa Médicis est composée de 20 pièces uniques, ornées de motifs faisant référence à l’iconographie antique et aux symboles des Médicis. Le travail de décor a été effectué par incision ainsi que par diverses techniques de modelage et d’estampage, notamment à partir de moulages de bas-reliefs antiques de la Galerie du bosco et de fragments de vestiges romains d’époque impériale issus de fouilles réalisées à la Villa Médicis dans les années 2010.
Natsuko Uchino développe une approche conceptuelle des arts décoratifs dans la recherche de motifs transhistoriques. Sa pratique, nourrie par la tradition des arts fonctionnels, se prête ici à proposer une interprétation d’objets conçus comme véritables habitacles pour le vivant. Les reliefs des pots, particulièrement abondants, accentuent leur caractère contemporain et restituent la mémoire du geste.
Les socles sur lesquels reposent les pots ont quant à eux été réalisés par l’un des derniers tailleurs de pierres et marbriers romains travaillant à la main. En effet, Daniele De Tomassi travaille des marbres anciens, des pierres dures et semi-précieuses. Inspirés des socles présents dans le jardin de la Villa Medicea di Castello à Florence, ceux de la Villa Médicis ont été taillés en peperino de Viterbe, pierre volcanique aux teintes grises, caractéristique du Latium. Leur fonction consiste à drainer l’eau afin d’empêcher sa stagnation dans le pot, néfaste pour les racines des agrumes.
Sur chacun des 20 socles est gravé un mot, l’ensemble formant un poème conçu par Laura Vazquez, poétesse, ancienne pensionnaire de la Villa Médicis et lauréate du Prix Goncourt de la Poésie en 2023. La radicalité de son écriture contemporaine rencontre la matérialité de la pierre.
Poussez la porte de la Villa
Entrez dans l’une des plus belles villas Renaissance au coeur de la capitalie italienne et voyagez à travers la Rome de la Renaissance, celle du Grand Tour des XVIIe et XVIIIe siècles, jusqu’à la Rome contemporaine....
Posez vos valises à la Villa Médicis
Dormez à la Villa Médicis, lieu unique à Rome où se mêlent l’esprit de la Renaissance et le design contemporain.